ESCORT BOY 我爱你 -Je t'aime- I
« Les gouttes de pluies s’abattent sur les carreaux, tout comme tes larmes sur mon cœur ». A voix basse, je fredonnais doucement les paroles de la chanson qui tournait en boucle dans mon téléphone depuis plus de 15 minutes. C’était une chanson triste mais teintée d’espoir, écrite pour de jeunes adolescentes avides d’histoires d’amours romancées. Je n’aimais pas particulièrement ce genre de musique. Cependant, j’écoutais toujours cette chanson plusieurs fois de suite durant les trajets en taxi me menant à mes rendez-vous. Comment allait être la jeune femme que j’allais rencontrer ce soir… Jolie ? Elégante ? Jeune, vieille ? Chinoise, Japonaise, Occidentale ? J’étais à la fois angoissé et impatient à l'idée de la découvrir. J’aimais découvrir une femme différente chaque soir ou presque. Mon devoir consistait uniquement à être beau, courtois, tendre et à ne pas trop parler. Mais par-dessus tout je devais rendre ces femmes heureuses, que ce soit en les distrayant ou en leur faisant l’amour. Le métier d’Escort boy était une activité épuisante, surtout pour un jeune étudiant de 20 ans comme moi. Cependant, j’aimais le rôle que je jouais pour ces femmes délaissées, trahis par les hommes ou simplement trop occupées par leurs postes à hautes responsabilités et accablées par la solitude. Bien évidemment, je faisais ça pour me garantir un certain confort de vie, mais également pour découvrir chaque nuit un nouveau visage, une nouvelle voix, un nouveau corps, un nouveau parfum… Une nouvelle amante que j’aimerai le temps d’une nuit. C’est donc pour cela que je me dirigeai avec détermination vers les portes de l’hôtel ou m’attendait ma cliente, dont je ne connaissais qu’un nom : Zhang. Très certainement une chinoise.
J’entrais dans le grand hôtel avec une assurance que j’avais acquise avec l’expérience. Les gens devaient me prendre pour un jeune homme riche et branché et ne devais pas se douter une minute de ma véritable activité. A la réception, on me donna le numéro de la chambre et je me dirigeais rapidement vers l’ascenseur. A l’intérieur, je vérifiais discrètement que j’avais tout le nécessaire dans mon sac -préservatifs, lubrifiant, huile de massage, caleçon et T-Shirt de rechange-, tout en espérant que ma cliente allait solliciter mes services pour la nuit entière. En effet, j’avais besoin d’argent pour vivre confortablement dans un grand appartement et payer mes cours dans une grande école de Séoul. Lorsque l’ascenseur arriva à l’étage de la chambre, je sortis de la cabine exiguë, me dirigea vers la chambre 152 et me recoiffa machinalement avant de sonner. Comme d’habitude, j’étais empli de curiosité. Les clientes étrangères étaient souvent davantage singulières et je me faisais toujours un plaisir de les inciter à me faire partager leur savoir. Après avoir prit une grande inspiration, je me décidai à sonner à la porte. Un temps suffisamment long s’écoula pour que je me demande si on comptait réellement m’ouvrir. Mais la poignée s’ouvrit et à ma grande surprise, c’est un jeune homme qui m’ouvrit.
Il était grand, mince, beau et semblait à peine plus âgé que moi. Il était vêtu d’un T-Shirt ample et d’un jean moulant. Ses cheveux châtains et mouillés tombaient sur ses yeux d’un gris troublant. Je restais quelque seconde à le regarder, comme fasciné. C’était le genre d’homme tellement beau qu’il devait forcément être reconnu dans un quelconque domaine. « Bonjour, vous devez être Kai. Entrez, je vous prie ». Il parlait dans un coréen presque parfait mais avec un accent chinois assez prononcé. Quand il refermât la porte, je balayais discrètement la grande chambre du regard, à la recherche d’une présence féminine. En effet, un jeune héritier chinois faisant appel à mes services pour pimenter ses jeux sexuels avec sa compagne ou une escort girl ne m’aurait pas surpris, même si il était hors de question pour moi qu’un homme ose ne serait-ce que ses mains sur moi. Mais aucune femme n’était à l’horizon. Alors que le jeune homme tapotait discrètement sur son smartphone, me regardant en me souriant de temps à autre, je cherchais à régler ce malentendu de la manière la plus efficace et la moins gênante pour l’homme qui avait fait appel à mes services. En effet, il paraissait sympathique et détendu. Je ne me voyais donc pas gâcher sa soirée de la sorte. Alors qu’il me jetait un regard, s’attendant sûrement à ce que je retire mon manteau, je pris mon courage à deux mains et me décida à parler. « Veuillez m’excuser, mais je ne propose pas mes services à des hommes. Je dois donc mettre fin à notre rendez-vous ». Le jeune homme leva les yeux vers moi, me regarda de haut en bas, me sourit et prit la parole à son tour : « Je vois. J’aurais du vous prévenir. Si je comprends bien, vous ne passerez pas la nuit avec moi n’est-ce pas ? ». Apparemment, il avait bien compris (peut-être depuis le début), que je ne comptais pas lui donner mon corps pour la nuit. Cependant, je ne voyais pas encore très bien où il voulait en venir. « C’est ça Monsieur… ». « Quels sont les services que vous proposez, hormis le sexe ? ». Je devais m’y attendre. Il ne semblait pas prêt à lâcher l’affaire et j’allais devoir m’armer de patience si je voulais rentrer chez moi. Néanmoins, ce jeune chinois qui me ressemblait sur de nombreux points était beau, riche et ne semblait pas bien méchant. De plus, rien que l’idée de retrouver mon appartement vide, aussi pauvre que j’étais partit et après m’être déplacé pour rien, sans rien savoir de plus sur cet homme intriguant me frustrait assez. C’est pour cela que je répondis, avec l’étrange impression de jouer avec le feu : « Je peux vous accompagnez lors de vos sorties, et vous tenir compagnie lors de vos déplacements ».
Dans la voiture avec chauffeur dans laquelle nous roulions à travers Séoul, « Mr. Zhang » gardait toujours son téléphone dans la main et consultait ses mails, n’hésitant pas à passer un ou deux rapides appels. Je ne comprenais pas assez bien le chinois pour bien saisir l’objet de ses conversations. Cependant, il parlait d’une voix assuré, avec un vocabulaire assez formel pour que je comprenne qu’il ne s’agissait pas d’appels personnels. Apparemment c’était lui le chef. Il me souriait de temps à autre, me regardait, mais ne me parlait pas vraiment. Il devait être le genre de très jeune chef d’entreprise qui se dévoue corps et âmes à son travail, avec une application rigoureuse et une attention constante. Il me fit alors penser aux jeunes femmes qui me payaient pour leur tenir compagnie : il était bien trop occupé pour consacrer une partie de son temps à un amant.